dimanche 8 avril 2012

Chapitre 3

                                        
Chapitre III : Aria Key





                 A midi, les deux compères se dirigèrent vers le self de la cantine. Aaron se doutait bien qu’il s’agissait là du seul moment privilégié de Flynn. C’était un ventre à patte de nature. Une fois devant leur plateau repas, ils commencèrent sans tarder  à se conter leur vie depuis leur séparation, la bouche pleine.

 Flynn raconta à Aaron  des épisodes de sa vie depuis qu’ils s’étaient quittés en ne manquant pas  de lui décrire ses débâcles amoureuses à grand renfort d’humour en critiquant autant  ses propres défauts que ceux de ses charmantes conquêtes.

 Tous deux rirent et mangeaient à s’en exploser la panse. Une fois qu’ils se furent calmés,  Flynn reprit son sérieux.

-         Avant d’être interrompu par notre nouveau professeur tu me racontais ta nouvelle situation. Tu veux bien continuer ? demanda Flynn intéressé.

-         Oui, je disais donc que ma situation avait changé par rapport à il y a 10 ans, commença Aaron. Tu as deviné,  mon père est toujours en déplacement si bien que j’ai été poussé  à me responsabiliser et à vivre pour moi.  Bien sûr, il paye le loyer et finance toutes  mes dépenses mais c’est moi qui entretient ma nouvelle maison  et l’approvisionnement en nourriture.

Flynn émit un long sifflement admiratif.

-         Ta mère est avec ton père ? C’est pour ça que tu es livré à toi-même ? Ça doit être cool, sans tes parents sur le dos ! s’exclama l’adolescent, envieux.  D’ailleurs en parlant de ta mère, comment va-t-elle ? Elle était très gentil ça me changeait de la mienne qui ne manque pas de me crier dessus pour n’importe quoi.

Aaron se souvint de la promesse qu’il s’était fait, quelques heures auparavant. « Si on me questionne au sujet de ma mère, je retiendrais mes larmes aussi longtemps qu’il le faudra. » Ne pas montrez ses faiblesses, comme le lui rappelait souvent son père.

-         Flynn…il faut que je te dise…ma mère est morte l’année qui a suivi mon départ dans un autre établissement, annonça Aaron s’efforçant de sourire.

Mais le cœur n’y était pas. Il grinça les dents. Ce que c’était dur de supporter ! Flynn resta interdit.



-         Désolé Aaron… je ne savais pas, chuchota son ami, visiblement davantage  choqué qu’embarrassé. Enfin, je ne voulais pas…

-         Ne t’excuse pas tu ne pouvais pas savoir, le coupa sèchement Aaron. Et puis ce sont des souvenirs que je ne veux pas oublier, après tout ce sont les seuls qu’il me reste en lien avec ceci.

 Il passa la main dans sa poche ventral et en sorti un collier qu’il présenta à son ami

-         Qu’est-ce-que c’est ? demanda Flynn en regardant le drôle de pendentif au creux de sa main.

 Le pendentif  traçait la forme d’une goutte effilée, d’un bleu saphir composée de différente gravure mobile.

-         C’est la dernière énigme de ma mère, répondit Aaron les yeux hypnotisés par le collier. Ça fait longtemps que j’essaye de la résoudre, regarde.

L’adolescent secoua  le pendentif qui  s’ouvrit alors. On pouvait  y voir la photo d’un jeune homme et d’une jeune femme tenant dans leur bras un petit garçon qui ne semblait pas dépasser l’âge de 2 ans.

-         C’est toi et tes parents, déduisit Flynn, que lui est-elle arrivée ?

-         Apparemment, elle est décédée dans un incendie qui a ravagé l’hôtel où elle séjournait, mais j’ai du mal à l’accepter encore aujourd’hui.

La vision du visage de sa mère lui torturait l’esprit, il fallait qu’il change de sujet.

-          Je peux te demander quelque chose, Flynn ? Ça n’a rien à voir avec la mort de ma mère mais c’est une question qui me trotte dans la tête depuis tout à l’heure.

-         Je t’écoute, mon vieux, qu’est ce qu’il y a ? questionna le colosse.

-         C’est à propos de ma voisine de classe, tu sais qui c’est ?

Flynn ne put s’empêcher de laisser échapper un ricanement. Mais Aaron préféra l’ignorer.

-         Bien sûr. Elle te plait hein ? nargua-t-il avec un haussement de sourcils significatifs.

-         Arrête Flynn, ça n’a rien à voir, rétorqua Aaron.

-         Ou alors tu vas encore me dire que tu mènes une enquête et qu’elle est le suspect numéro un de l’affaire ?

-         N’importe quoi, tu plonges en dérive là, se moqua Aaron.

-         Bon, ta voisine s’appelle Aria Key et elle a notre âge. Mais cette fille est bizarre. Je veux dire, elle ne s’intéresse à personne et ne cause avec aucun d’entre nous. Sérieusement, elle doit avoir un problème et si tu veux mon avis, ne te frotte pas trop à elle, conseil d’ami, l’avertit Flynn.

-         Je prends note, Flynn, je prends note, répondit Aaron sans conviction.

L’adolescent se leva brusquement de table laissant son plateau devant lui.

-         Où tu vas ? Il est que 13h, lança Flynn.

-         Je suis désolé, mais il faut que je rentre chez moi. Il me reste encore des cartons à déballer, on se voit demain.

-         Mais et ton dessert ? insista le colosse, en faisant les yeux doux.

-         Ah, je vois, répondit Aaron en glissant la mousse au chocolat qui trônait sur son plateau. Je t’en prie sers-toi.

« Il y a des gens qui heureusement ne change jamais. » remarqua l’adolescent.

-



              Le vent glacial commençait à se lever dehors tandis que le froid avait chassé les derniers passants qui tentaient de lui faire face. Il faisait déjà nuit en cette saison hivernale alors qu’il n’était que 17h30. Seul Aaron traversait paisiblement le trottoir indifférent au climat polaire qui balayait la ville parisienne. Il fit d’abord un détour  pour se procurer de quoi diner puis reprit son chemin. Arrivé chez lui, Aaron se précipita sur son  bureau  en déposant dans son élan ses achats sur le fauteuil le plus proche. Il eut à peine le temps de faire pivoter sa chaise pour faire face son écran d’ordinateur, qu’un bruit provenant de la porte d’entrée  le fit sursauter.

La porte s’ouvrit et des bruits de pas se rapprochèrent dans sa direction. Qui cela pouvait-il bien-être ? C’est alors qu’Aaron  se souvint des paroles du propriétaire : «Cet appartement vous est loué, mais sachez que vous êtes deux locataires étudiants à l’habiter alors essayez de bien vous entendre ».

Ça devait surement être le colocataire en question. « Une surprise de plus. », soupira Aaron.

Le jeune homme eut tout juste le temps de se lever, qu’il tomba nez-à-nez avec le mystérieux  colocataire. Il manqua de trébucher à l’arrière lorsqu’il constata que la personne qui se tenait en face de lui….n’était autre qu’Aria Key.



-





Tous deux restèrent un moment bouche bée à se regarder sans vaciller. Ils étaient aussi surpris l’un que l’autre.  Cinq minutes passèrent puis dix sans qu’aucun mot ne puisse sortir,  jusqu’à ce qu’Aaron parvint à briser le silence :

-         Euh…. Je t’en prie, fais comme chez toi, lança-t-il embarrassé sur un ton mal assuré.

-         C’est chez moi, lui répondit-elle sèchement. Mais je crois que je vais m’en aller. Désolé pour le dérangement.



Mais avant qu’Aria ait pu revenir sur ses pas, il l’attrapa dans son élan d’un geste précis par le bras.



-          Non, reste, insista Aaron,  le propriétaire vit en ville à plusieurs kilomètres d’ici et il fait des températures négatives dehors, et puis la nuit commence à tomber regarde, lui fait-il remarquer en pointant du doigt la fenêtre.  Reporte tes projets  à demain, pour l’instant réchauffe-toi. Viens, je vais monter ta valise.

Elle fixait avec insistance sa main qui entourait son bras puis se délivra d’un geste maladroit.

-        Bon. J’accepte de rester pour cette nuit mais je refuse que tu montes ma valise. Je peux très bien le faire toute seule, l’avertit-elle.



Mais Aaron revint à la charge de plus belle.



-         J’en doute,  je n’ai pas réussi à monter la mienne tout seul, les escaliers sont plutôt abrupts, tu n’y arriveras pas, insista-t-il.

En effet, leur appartement était certes l’un des plus luxueux et l’un des plus grands de l’immeuble des chambres privés mais il s’étalait sur deux étages et les escaliers qui les reliaient était particulièrement étroit et les marches incroyablement petites.

-         Je ne veux pas de ton aide, lui répéta Aria.



Aaron finit par baisser les bras. Cette fille l’agaçait et il ne voulait pas non plus se plier à genoux. « Qu’elle fasse ce qu’elle veut, je m’en contrefiche. » se dit-il.



-          Fais comme tu le sens, de toute manière ça ne me concerne pas, rétorqua Aaron avec une colère à peine voilé. Ta chambre est au deuxième étage au fond du couloir. Si ça peut te rassurer, je suis à l’opposé.

La jeune fille tourna les talons presque aussitôt et sans se retourner  entama d’un pas mal assuré l’ascension de cet escalier vertigineux. Elle s’engagea alors avec sa grosse valise dans les premières marches, manquant à plusieurs reprises de trébucher en arrière. Le contact des roues de ses bagages contre le bois faisant un vacarme assourdissant si bien qu’il lui fut impossible de percevoir la voix d’Aaron qui lui souhaitait en vain une bonne nuit. Décidément cette journée a été trop mouvementé pour lui tout seul et il espérait vivement que le lendemain serait beaucoup plus léger. Quelque chose lui disait pourtant que demain serait un jour qu’il n’allait pas oublier de sitôt. Aaron  prit le choix  d’ignorer cette voix, demain était déjà loin pour lui.

La nuit, il fit un rêve étrange, peuplé par des couloirs sombres pas très accueillants, des cris, des taches rouges sang qui apparaissaient sans raison sur les sols  et une jeune fille emporté par un homme effrayant entièrement vêtu noir criant désespérément à l’aide. C’était Aria…

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