Chapitre III : Aria Key
A midi, les deux compères se
dirigèrent vers le self de la cantine. Aaron se doutait bien qu’il s’agissait
là du seul moment privilégié de Flynn. C’était un ventre à patte de nature. Une
fois devant leur plateau repas, ils commencèrent sans tarder à se conter leur vie depuis leur séparation,
la bouche pleine.
Flynn raconta à Aaron des épisodes de sa vie depuis qu’ils
s’étaient quittés en ne manquant pas de
lui décrire ses débâcles amoureuses à grand renfort d’humour en critiquant
autant ses propres défauts que ceux de ses
charmantes conquêtes.
Tous deux rirent et mangeaient à s’en exploser
la panse. Une fois qu’ils se furent calmés,
Flynn reprit son sérieux.
-
Avant d’être interrompu par notre
nouveau professeur tu me racontais ta nouvelle situation. Tu veux bien
continuer ? demanda Flynn intéressé.
-
Oui, je disais donc que ma situation
avait changé par rapport à il y a 10 ans, commença Aaron. Tu as deviné, mon père est toujours en déplacement si bien
que j’ai été poussé à me responsabiliser
et à vivre pour moi. Bien sûr, il paye
le loyer et finance toutes mes dépenses
mais c’est moi qui entretient ma nouvelle maison et l’approvisionnement en nourriture.
Flynn émit un long
sifflement admiratif.
-
Ta mère est avec ton père ? C’est
pour ça que tu es livré à toi-même ? Ça doit être cool, sans tes parents
sur le dos ! s’exclama l’adolescent, envieux. D’ailleurs en parlant de ta mère, comment
va-t-elle ? Elle était très gentil ça me changeait de la mienne qui ne
manque pas de me crier dessus pour n’importe quoi.
Aaron se souvint de la
promesse qu’il s’était fait, quelques heures auparavant. « Si on me
questionne au sujet de ma mère, je retiendrais mes larmes aussi longtemps qu’il
le faudra. » Ne pas montrez ses faiblesses, comme le lui rappelait souvent
son père.
-
Flynn…il faut que je te dise…ma mère est
morte l’année qui a suivi mon départ dans un autre établissement, annonça Aaron
s’efforçant de sourire.
Mais le cœur n’y était
pas. Il grinça les dents. Ce que c’était dur de supporter ! Flynn
resta interdit.
-
Désolé Aaron… je ne savais pas, chuchota
son ami, visiblement davantage choqué
qu’embarrassé. Enfin, je ne voulais pas…
-
Ne t’excuse pas tu ne pouvais pas
savoir, le coupa sèchement Aaron. Et puis ce sont des souvenirs que je ne veux
pas oublier, après tout ce sont les seuls qu’il me reste en lien avec ceci.
Il passa la main dans sa poche ventral et en sorti
un collier qu’il présenta à son ami
-
Qu’est-ce-que c’est ? demanda Flynn
en regardant le drôle de pendentif au creux de sa main.
Le pendentif
traçait la forme d’une goutte effilée, d’un bleu saphir composée de
différente gravure mobile.
-
C’est la dernière énigme de ma mère,
répondit Aaron les yeux hypnotisés par le collier. Ça fait longtemps que
j’essaye de la résoudre, regarde.
L’adolescent secoua le pendentif qui s’ouvrit alors. On pouvait y voir la photo d’un jeune homme et d’une
jeune femme tenant dans leur bras un petit garçon qui ne semblait pas dépasser
l’âge de 2 ans.
-
C’est toi et tes parents, déduisit Flynn,
que lui est-elle arrivée ?
-
Apparemment, elle est décédée dans un
incendie qui a ravagé l’hôtel où elle séjournait, mais j’ai du mal à l’accepter
encore aujourd’hui.
La vision du visage de
sa mère lui torturait l’esprit, il fallait qu’il change de sujet.
-
Je
peux te demander quelque chose, Flynn ? Ça n’a rien à voir avec la mort de
ma mère mais c’est une question qui me trotte dans la tête depuis tout à
l’heure.
-
Je t’écoute, mon vieux, qu’est ce qu’il
y a ? questionna le colosse.
-
C’est à propos de ma voisine de classe,
tu sais qui c’est ?
Flynn ne put s’empêcher
de laisser échapper un ricanement. Mais Aaron préféra l’ignorer.
-
Bien sûr. Elle te plait hein ?
nargua-t-il avec un haussement de sourcils significatifs.
-
Arrête Flynn, ça n’a rien à voir,
rétorqua Aaron.
-
Ou alors tu vas encore me dire que tu
mènes une enquête et qu’elle est le suspect numéro un de l’affaire ?
-
N’importe quoi, tu plonges en dérive là,
se moqua Aaron.
-
Bon, ta voisine s’appelle Aria Key et
elle a notre âge. Mais cette fille est bizarre. Je veux dire, elle ne
s’intéresse à personne et ne cause avec aucun d’entre nous. Sérieusement, elle
doit avoir un problème et si tu veux mon avis, ne te frotte pas trop à elle,
conseil d’ami, l’avertit Flynn.
-
Je prends note, Flynn, je prends note, répondit
Aaron sans conviction.
L’adolescent se leva
brusquement de table laissant son plateau devant lui.
-
Où tu vas ? Il est que 13h, lança Flynn.
-
Je suis désolé, mais il faut que je
rentre chez moi. Il me reste encore des cartons à déballer, on se voit demain.
-
Mais et ton dessert ? insista le
colosse, en faisant les yeux doux.
-
Ah, je vois, répondit Aaron en glissant
la mousse au chocolat qui trônait sur son plateau. Je t’en prie sers-toi.
« Il y a des gens
qui heureusement ne change jamais. » remarqua l’adolescent.
-
Le vent glacial commençait à se lever dehors
tandis que le froid avait chassé les derniers passants qui tentaient de lui
faire face. Il faisait déjà nuit en cette saison hivernale alors qu’il n’était
que 17h30. Seul Aaron traversait paisiblement le trottoir indifférent au climat
polaire qui balayait la ville parisienne. Il fit d’abord un détour pour se procurer de quoi diner puis reprit son
chemin. Arrivé chez lui, Aaron se précipita sur son bureau en déposant dans son élan ses achats sur le
fauteuil le plus proche. Il eut à peine le temps de faire pivoter sa chaise
pour faire face son écran d’ordinateur, qu’un bruit provenant de la porte
d’entrée le fit sursauter.
La porte s’ouvrit et
des bruits de pas se rapprochèrent dans sa direction. Qui cela pouvait-il
bien-être ? C’est alors qu’Aaron se
souvint des paroles du propriétaire : «Cet appartement vous est loué,
mais sachez que vous êtes deux locataires étudiants à l’habiter alors essayez
de bien vous entendre ».
Ça devait surement être
le colocataire en question. « Une surprise de plus. », soupira Aaron.
Le jeune homme eut tout
juste le temps de se lever, qu’il tomba nez-à-nez avec le mystérieux colocataire. Il manqua de trébucher à
l’arrière lorsqu’il constata que la personne qui se tenait en face de lui….n’était
autre qu’Aria Key.
-
Tous deux restèrent
un moment bouche bée à se regarder sans vaciller. Ils étaient aussi surpris
l’un que l’autre. Cinq minutes passèrent
puis dix sans qu’aucun mot ne puisse sortir,
jusqu’à ce qu’Aaron parvint à briser le silence :
-
Euh…. Je
t’en prie, fais comme chez toi, lança-t-il embarrassé sur un ton mal assuré.
-
C’est
chez moi, lui répondit-elle sèchement. Mais je crois que je vais m’en aller.
Désolé pour le dérangement.
Mais
avant qu’Aria ait pu revenir sur ses pas, il l’attrapa dans son élan d’un geste
précis par le bras.
-
Non, reste, insista Aaron, le propriétaire vit en ville à plusieurs
kilomètres d’ici et il fait des températures négatives dehors, et puis la nuit commence
à tomber regarde, lui fait-il remarquer en pointant du doigt la fenêtre. Reporte tes projets à demain, pour l’instant réchauffe-toi. Viens,
je vais monter ta valise.
Elle fixait avec
insistance sa main qui entourait son bras puis se délivra d’un geste maladroit.
-
Bon. J’accepte
de rester pour cette nuit mais je refuse que tu montes ma valise. Je peux très
bien le faire toute seule, l’avertit-elle.
Mais Aaron revint à la charge de plus belle.
-
J’en
doute, je n’ai pas réussi à monter la
mienne tout seul, les escaliers sont plutôt abrupts, tu n’y arriveras pas,
insista-t-il.
En effet, leur appartement
était certes l’un des plus luxueux et l’un des plus grands de l’immeuble des
chambres privés mais il s’étalait sur deux étages et les escaliers qui les
reliaient était particulièrement étroit et les marches incroyablement petites.
-
Je ne
veux pas de ton aide, lui répéta Aria.
Aaron
finit par baisser les bras. Cette fille l’agaçait et il ne voulait pas non plus
se plier à genoux. « Qu’elle fasse ce qu’elle veut, je m’en
contrefiche. » se dit-il.
-
Fais comme tu le sens, de toute manière ça ne
me concerne pas, rétorqua Aaron avec une colère à peine voilé. Ta chambre est
au deuxième étage au fond du couloir. Si ça peut te rassurer, je suis à
l’opposé.
La jeune fille
tourna les talons presque aussitôt et sans se retourner entama d’un pas mal assuré l’ascension de cet
escalier vertigineux. Elle s’engagea alors avec sa grosse valise dans les
premières marches, manquant à plusieurs reprises de trébucher en arrière. Le
contact des roues de ses bagages contre le bois faisant un vacarme
assourdissant si bien qu’il lui fut impossible de percevoir la voix d’Aaron qui
lui souhaitait en vain une bonne nuit. Décidément cette journée a été trop
mouvementé pour lui tout seul et il espérait vivement que le lendemain serait
beaucoup plus léger. Quelque chose lui disait pourtant que demain serait un
jour qu’il n’allait pas oublier de sitôt. Aaron
prit le choix d’ignorer cette
voix, demain était déjà loin pour lui.
La nuit, il fit un
rêve étrange, peuplé par des couloirs sombres pas très accueillants, des cris,
des taches rouges sang qui apparaissaient sans raison sur les sols et une jeune fille emporté par un homme
effrayant entièrement vêtu noir criant désespérément à l’aide. C’était Aria…
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire